Post mortem d’une saison d’espoir

Pour la plupart des supporteurs des Alouettes, cette saison s’est ouverte sans grands espoirs. Après les multiples débandades subies au cours des quatre saisons précédentes, la verdeur de notre contingent de quarts-arrières, les changements au personnel d’entraîneurs, il y avait peu de raisons pour s’emballer devant la saison qui s’annonçait. La prise en charge de l’équipe par la ligue après l’incapacité des Wetenhall de vendre l’équipe à des intérêts locaux n’a fait qu’ajouter à cette liste de facteurs négatifs qui tournoyaient autour de l’équipe. Comme s’il fallait encore en rajouter, l’entraîneur-chef Mike Sherman est soit parti, soit s’est fait partir (le saurons-nous vraiment un jour?) deux semaines avant le début de la saison régulière. Comble de l’étrange, il est remplacé par Khari Jones, dont la feuille de route comme entraîneur de quarts-arrières et coordonnateur à l’attaque n’avait rien pour écrire à sa mère. Arrive le premier match de la saison avec Antonio Pipkin à la tête de l’attaque, où ce dernier semble incapable de faire sortir l’offensive d’un sac de papier mouillé. Décidément, tout va bien! C’est donc le quart-arrière qui a entrepris la saison au quatrième rang dans l’ordre à l’ouverture du camp d’entraînement qui prend la relève et, oh surprise!, réussit à faire que cette unité commence à produire. Le malheur des uns fait le bonheur des autres. L’intérêt naissant tombe à plat la semaine suivante avec une débandade en règle à Hamilton. Était-ce vraiment une diversion, toujours est-il que pour ajouter à ce qui n’allait pas très bien, les DG Kavis Reed se fait montrer le chemin de la porte dans des circonstances obscures. L’infatiguable Joe Mack prend sa relève côté recrutement et Khari Jones fait de même côté gestion du personnel de joueurs. Ce dernier devra donc séparer son temps entre ses fonctions de DG, entraîneur-chef, entraîneur des quarts-arrières et coordonnateur à l’attaque (dire qu’on se plaignait que Popp portait trop de chapeaux!). Voilà la trame de fond de l’ouverture de cette saison.

C’est au premier match local qu’on a senti que quelque chose se passait. Devant les puissants Timinous, cette équipe a refusé de concéder la partie. Ils les ont arrêtés à la porte des buts et la tertiaire s’est levée en interceptant 3 ballons. L’attaque a commencé à se mettre en marche pour passer d’un déficit de 15-3 à la demie à un avantage de 26-10 au début du 3ième quart. Le 4ième quart a été celui par lequel les Alouettes sont asséné le coup de grâce aux Timinous en ajoutant 15 points à leur fiche.

Ce qui a frappé dans cette partie est la résilience de cette équipe des Alouettes. Ils ont fait les bons ajustements à la demie, la défensive a donné le ton et l’attaque a fini par se mettre en marche. Cette partie a été à l’image des Alouettes de 2019. Pas une équipe parfaite ou dévastatrice dans l’âme, mais une équipe teigneuse qui est capable de rester dans le coup jusqu’à la fin. Cette impression s’est cristallisée particulièrement dans les parties à Calgary et contre Winnipeg.

Alors, à quoi avons-nous assisté comme changement?

J’en omettrai certainement (tout le monde ne voit pas les mêmes choses), mais il y a plusieurs points encourageants qui se sont révélés.

Premièrement, Adams a gagné beaucoup en maturité. Il a pris de mauvaises décisions, mais le nombre de ses bonnes décisions s’est révélé généralement croissant au cours de la saison. Il a amélioré sa précision sur les longues passes et ses lectures de défensives. Ceci témoigne de ses efforts constants dans sa progression. Il avait toujours eu un bon leadership, mais ses progrès techniques y ont ajouté de la crédibilité. Et avec cette crédibilité vient un respect croissant des adversaires. Ce qu’il a apporté avec sa mobilité est très important, mais ce qu’il a apporté avec l’amélioration de son jeu aérien et sa lecture des défensives ont forcé ses adversaires à s’en méfier encore davantage. Il a alors montré qu’il pouvait amener son équipe à battre n’importe qui. Contrairement aux 5 saisons précédentes, Adams a fait réaliser que les Alouettes avaient peut-être enfin un vrai quart partant. Ça a été l’élément qui a ramené l’intérêt des amateurs pour l’équipe. Rien n’était gagné, mais un espoir réaliste renaissait enfin. Il fallait désormais qu’Adams valide cet espoir, et il faut lui donner qu’il y est parvenu. (D’accord, je garde l’épisode Jonathon Jennings en mémoire, mais contrairement à Jennings, Adams a toujours montré qu’il pouvait diriger une attaque. Ses faiblesses du début de sa carrière se sont estompés tranquillement, contrairement à Jennings chez qui elles sont revenues après une saison inespérée.) Il n’y aura pas de question sur qui sera le quart partant des Alouettes en 2020, en supposant qu’il y ait une saison 2020.

Adams n’a pas pu accomplir ce boulot seul. En premier lieu, il y a eu une nette progression de la ligne offensive par rapport aux unités des saisons précédentes. Tony Washington s’est finalement approprié sa position, et l’eussions-nous eu jusqu’à la fin de la saison que l’issue finale eût pu être différente (le subjonctif, c’est chic, tout de même!). Ensuite, Sean Jaimeson s’est enfin révélé cette saison. Il est devenu un joueur accompli qui peut faire le boulot un peu partout sur la ligne. Ceci dit, je retiens la saison de Trey Rutherford. On a très peu entendu parler de lui, tant par les arbitres que par les descripteurs de match. C’est un excellent accomplissement pour un joueur de ligne offensive. Ça veut dire qu’il a fait son boulot avec efficacité et discipline. La ligne offensive a progressé de façon constante jusqu’à la blessure qui a mis fin à la saison de Washington. Ça a été un peu plus en dents de scie par la suite, mais l’unité est demeurée tout de même assez efficace. Les nouveaux venus Wilson, Rice et Schleuger ont répondu à l’appel avec un relatif succès lorsque nécessaire.

On ne peut passer sous silence l’incroyable duo de porteurs de ballon de cette édition. Stanback et Johnson ont vraiment été un duo d’enfer pour cette équipe. Le jeu au sol a été la marque de cette attaque le plus clair de la saison, et même si les adversaires faisaient des pieds et des mains pour les arrêter, il apportaient toujours une contribution significative. Bien que ces deux demis avaient certaines similarités (coureurs de puissance pouvant convertir un plaqué raté en un long gain, bons bloqueurs), leurs différences (la finesse et les mains de Johnson, la force brute de Stanback) faisaient réfléchir les défensives adverses. Peut-être que l’un de ceux-ci ne sera pas de retour en 2020, mais si nous pouvons avoir le bonheur de conserver ces deux joueurs, il y aura là de quoi capitaliser.

Nous avons eu de très agréables surprises du côté des receveurs. Premièrement, que dire de M. Gros Jeu, Jake Wieneke? Ce gars est sorti de nulle part est s’est imposé comme celui qui pouvait sortir de l’ombre lorsque l’équipe en avait besoin. À un certain moment, il avait 4 touchés en 9 réceptions, et on ne parle pas des deuxièmes essais convertis grâce à ses excellentes mains. Wieneke est un joueur d’avenir et il a montré l’éventail de ses qualités. Imaginez lorsqu’il progressera encore. On a aussi assisté à l’éclosion réelle de Eugene Lewis. Ce dernier a toujours laissé poindre qu’il serait un bon receveur, mais il a consolidé cette saison les espoirs fondés en lui. Receveur intelligent et combatif, Lewis est maintenant un joueur que les équipes s’arracheront lorsqu’il deviendra agent libre. Il a révélé cette saison ce que je lui avais annoncé il y a 2 ans à Toronto, après la débandade contre Ray et sa troupe. Je suis déçu pour Cunningham qui était parti pour une autre belle saison. Moins constant que Lewis mais plus physique que ce dernier, Cunningham demeurait un joueur à surveiller. Son absence a toutefois permis à d’autre de s’illustrer. Je pense à Posey et Bray. Posey a été au cœur de nombre de jeux importants, signe qu’il fait ses tracés avec intelligence et que ses mains sont fiables. La fin de sa saison n’a jamais été vraiment comblée, ni par Absher, ni par Matthews. Bray est finalement le type de receveur qui a manqué aux Alouettes depuis longtemps. Un receveur rapide qui sait se libérer et attraper des ballons dans des situations de couverture serrée. Il a quelque fois échappé des ballons qu’il aurait dû attraper, mais l’ensemble de son œuvre est positif. Félix Faubert-Lussier n’a pas mal fait, mais il a encore à peaufiner son métier. Il me fait penser à Jean-Christophe Beaulieu à ses débuts. Nous verrons s’il pourra réussir à conserver sa place dans la prochaine saison.

Il ressort de ceci que les Alouettes ont enfin de quoi bâtir à l’attaque, chose que nous n’avons pas vu depuis une dynastie. Ceci a grandement contribué au regain d’intérêt du public dans la formation montréalaise et il est à souhaiter que ce ne soit que le début d’une belle progression, comme celle des Bou! Bombers il y a 2 saisons.

À la défensive, les Alouettes ont compté sur de bons joueurs, surtout dans la tertiaire. Les venues de Evans et Campbell ont apporté de l’expérience à cette brigade, ce qui a certainement aidé d’autres à faire leur marque. Gerg Reid est une des révélations de l’année chez les Alouettes. Ce gars a apporté de l’intensité, de la combativité, ce qui s’est imprimé dans cette unité. J’ai bien aimé ce que j’ai vu de Taylor Loffler, Jarnor Jones, Ryan Carter et Boseko Lokombo. Chez les secondeurs, Patrick Levels s’est révélé un élément-clé du coffre à outils de Bob Slowik. Ce gars a fait nombre de jeux importants et a transmis de l’enthousiasme au sein de sa brigade. Ceci dit, d’autres joueurs se sont également révélés au cours de la saison, notamment Lalama qui semble avoir éclos. La saison a toutefois été plus difficile pour la ligne défensive, et malgré la présence de bons joueurs, celle-ci a été le maillon faible de cette défensive, voire de cette équipe. Si Bowman et Simmons ont réussi à s’illustrer, Baron Brown ont été un peu décevants. Fabian Foote n’a pas mal fait, mais il a perdu de son lustre en fin de saison, comme toute son unité. Je lève mon chapeau à Bob Slowik pour son adaptation à notre football, mais il semble y avoir des choses qu’il devra améliorer. Premièrement, sa défensive de zone n’est pas assez efficace. Ses schémas sont souvent trop larges et créent beaucoup d’espace à exploiter par les receveurs. Deuxièmement, ses schémas de pression du quart sont au mieux, peu efficaces et au pire, inexistants. On a vu beaucoup du pire. Sans une tertaire solide et des secondeurs alertes, Slowik n’aurait peut-être pas terminé la saison. Il demeure que ses ajustements à la demie ont souvent été géniaux, aussi je pense qu’il peut encore progresser dans la direction de la défensive. Il a été certainement une belle amélioration par rapport à Stubler, mais pour le football canadien, il devra revoir plusieurs aspects de ses stratégies, à commencer par comment attaquer le quart-arrière. Le défaut de pression sur Harris a été la clé de la victoire d’Edmonton en demi-finale et ça devrait servir de baromètre pour sa prochaine saison dans cette ligue. Sans pression, la défensive de zone est inefficace. Les receveurs adverses finiront par trouver l’espace pour réussir le jeu, quelle que soit la qualité de la couverture de la tertiaire. Slowik a été meilleur dans sa façon de se servir de ses secondeurs, mais cela n’a pas toujours suffi. Ceci dit, je crois qu’il a droit à une autre saison à son poste.

Les unités spéciales ont été globalement ordinaires. Pas mauvaises, mais pas impressionnantes non plus. Pour commencer avec ce qui a généralement bien été, Boris Bede a connu une bonne saison. Il n’a pas été dominant à tous les chapitres, mais il a généralement bien accompli le travail qu’on lui a demandé. Bede semble avoir enterré ses fantômes et il pourrait être dans une phase qui fera de lui le botteur qu’on a vu à sa première saison. Je suis heureux du jeu de Lalama sur les longues remises. Nous savons maintenant que la perte de Bédard, si triste soit-elle, ne sera pas une tragédie tant que Lalama sera au sein de l’équipe. Le parcours de Bede me fait penser à celui de McCallum, qui s’était fait foutre à la porte des Roughriders presqu’à coups de pied au derrière, avant de revenir à un niveau d’excellence et de constance très élevé. Bede semble avoir lui aussi fait son chemin de croix, et acquis la maturité que sa position commande. Chez les retourneurs, Alford a montré de très belles choses, mais doit aussi apprendre que le terrain se gagne verticalement, et pas horizontalement. S’il a pu inscrire un touché en renversant la vapeur, nombre de ses retours ont été moins productifs qu’ils n’auraient dû l’être s’il avait attaqué le terrain vers l’avant plus rapidement. Il en va de même pour Ryan, chez qui on a pu observer le même phénomène. On peut dire que globalement, les retours de bottés se sont un peu améliorés, mais ça demeure une facette souvent décevante de cette équipe. J’en viens à la couverture des retours adverses. Dans cette facette du jeu, les Alouettes concèdent toujours trop de terrain. Pour moi, si Mickey Donovan est toujours en poste la saison prochaine, ce sera ce qui déterminera s’il aura encore un poste l’année suivante. L’ensemble de l’œuvre de Donovan ne me permet toujours pas d’affirmer qu’il est un entraîneur du calibre de cette ligue. Donovan DOIT réussir à s’établir comme stratège des unités spéciales pour le confirmer. Je pense aux débuts de Mike O’Shea à ses débuts à Toronto. Ce dernier s’est illustré au sein d’une équipe joyeusement pourrie et a toujours dirigé des unités spéciales efficaces. Donovan n’a toujours pas réussi à asseoir une certaine crédibilité dans le même poste, aussi son maintien dans cette fonction devrait être conditionnelle à une sérieuse progression. De cette efficacité découle le positionnement sur le terrain, aussi c’est là quelque chose d’essentiel. Si Adams a pu faire gagner autant de terrain aux Alouettes, c’est en bonne partie à cause du nombre de longs terrains qu’ils avaient à traverser.

Je termine cette revue en parlant de Khari Jones. S’il y a un entraîneur que j’ai dénigré sans vergogne pour ce qu’il avait accompli avant cette année, c’est Khari Jones. Rien de ce qu’il avait accompli ne m’avait vraiment impressionné, pas même ses 2 saisons de succès (2013 avec Durant et 2016 avec Jennings). Mais sa venue comme entraîneur-chef m’a tout simplement renversé. On n’accomplit pas un tel revirement tout en étant incompétent. C’est donc dire que si Jones a traîné ses lacunes comme entraîneur des quarts-arrières ou coordonnateur à l’attaque, il a acquis ce qu’il fallait pour bien diriger une équipe de football canadien. Il a donné à cette équipe une sérieuse envie de travailler, de se réaliser, de montrer ce dont chacun est capable pour le bénéfice de tous. Il a su bien composer avec ses adjoints et embarquer ses joueurs dans ce qui serait leur belle aventure avant la sienne. Jones a démontré un leadership et une solidité à ce poste qui éclipse les doutes qu’on aurait pu légitimement entretenir à son sujet. Il a su rapidement être le ciment de cette équipe, ce que l’entraîneur-chef doit être. Il a montré qu’il n’est pas nécessaire d’être un dictateur pour y réussir, même s’il ne faut pas tomber dans la complaisance. Je félicite donc doublement Jones de cette épiphanie, qui a mérité l’estime qu’il s’est acquise cette saison. Autant j’aurais voulu le voir partir l’année dernière, autant je veux qu’il dirige encore les Alouettes comme entraîneur-chef. Je retiens de cette leçon d’humilité qu’un coordonnateur à l’attaque ordinaire peut faire un excellent entraîneur-chef.

Voici donc ce qui m’apparaît avoir fait la différence entre ces saisons de misère et la saison gagnante de 2019. Ce qui est plus encourageant par rapport à 2014, c’est que nous pouvons avoir une réaliste impression qu’il y a vraiment une base sur laquelle cette équipe peut progresser. 2014 a été l’histoire d’une défensive en feu, malgré une attaque hasardeuse. 2019 a été l’histoire d’une équipe qui s’est construite en cours de route dans plusieurs facettes du jeu, d’une progression constante et qui est restée dans le coup jusqu’à la dernière minute et demi. Nous sommes passés d’une équipe nulle à une équipe compétitive. Certes, la marche est longue pour devenir une équipe championne, mais enfin, cette équipe possède des éléments pour demeurer dans ce chemin.

Great post, my friend, and this paragraph especially. I too was very down on Jones at season’s start, for many of the same reasons you mentioned. But I am very happy to be proven wrong!

This post is of such high quality it should be worth 1,000 posts or a HOF nomination – bien résumé !