Je crois que l’intérêt pour le football américain à cette époque n’était qu’apparent et purement contextuel. Les Alouettes sont disparues en 1987 parce que les Montréalais étaient habitués à endosser des équipes gagnantes et les Alouettes-Concordes-Alouettes n’en étaient plus et les Canadiens venaient de gagner une autre Coupe Stanley. Les amateurs se sont donc retrouvés sans équipe jusqu’à l’apparition de la Machine. Comme il s’agissait alors du seul football joué à Montréal, tous les amateurs (LCF et NFL confondus) s’y sont présentés jusqu’à ce que la ligue meure de sa belle mort. Les choses ont changé depuis l’arrivée des Stallions en Alouettes, et il y a maintenant plus d’amateurs de football qui suivent les Alouettes que d’amateurs d’équipes gagnantes.
Je parle beaucoup de football et des Alouettes dans mon entourage, et pour ceux qui ne s’intéressent pas tant au football, plus de 95% d’entre-eux me parlent des Alouettes plutôt que du football américain. On m’en parle lors du Super Bowl, mais ça s’arrête là pour le football américain.
Ceci pour dire que l’apparent attrait des amateurs de football montréalais pour le football américain existe beaucoup plus dans la tête de certains chroniqueurs francophones dépassés qu’auprès des amateurs. Les journaux francophones de Montréal consacrent généralement 2 pages 2 fois par semaine au football américain et ½ ou 1 page une fois par semaine au football canadien. Ces journaleux amateurs de sports se nourrissent encore et toujours de leurs préjugés et de leur condescendance, et croient que le football de la LCF d’aujourd’hui est encore celui qui se jouait à l’époque de Gerry Dattilio. La plupart du temps, ils ne parlent pas des Alouettes sauf à travers leur chapeau, et seulement pour en médire, parce qu’ils rêvent encore (l’Alzheimer est précoce chez eux) d’une équipe de la NFL à Montréal. C’est leur rêve, pas celui des Montréalais, ni de la plupart des amateurs de football de Montréal.
Je vous dis ceci : amenez une équipe de la NFL à Montréal et elle ne fait pas une saison. Le Stade Olympique est trop petit pour rentabiliser une machine aussi coûteuse que le football de la NFL, et de toute façon, à moins que l’équipe ne piétine sur la ligue semaine après semaine, le stade ne va voir 12 000 mordus de NFL de la ligue essayer de créer une atmosphère dans son immense espace, avant de voir l’équipe disparaître l’air piteux. Il y a 5 fois plus d’intérêt pour la NFL à Toronto, et lorsque les Bills sont en ville, Rogers doit donner les 2/3 des billets pour essayer de laisser croire que ça intérresse les Torontois. Et même à ça, il n’y a que 33 000 personnes dans un stade qui en contient au moins 40 000. Saviez-vous que quelqu’un qui arbore une pancarte ou un chandail “CFL is the best” dans le stade Rogers lors des matchs des Argonauts se fait sortir du stade par les agents de sécurité? Pourtant les Argonauts vendent plus de billets que la NFL.
Par ailleurs, ce qu’on oublie beaucoup, c’est que la vie culturelle est très active à Montréal. L’offre de divertissement y est très diversifiée et réussir à attirer de grandes foules (40 000 et +) partie après partie à Montréal relève passablement de l’utopie pour l’instant. Lorsque cette diversité s’est accentuée, les Alouettes ont fermé les portes et les Expos ont fini par disparaître aussi. Même le festival de jazz ne parvient pas à maintenir son achalandage avec le jazz : c’est devenu un festival de n’importe quoi avec aussi un peu de jazz (on y a même vu KC and the Sushine Band!?!?!). C’est pour dire que le Festival de fraise de Ste-Madeleine draine aussi du public aux grands évènements.
La question linguistique? Je crois qu’elle n’est pas d’actualité dans l’équation d’aujourd’hui, sinon pour dire que la couverture médiatique des Alouettes dans les média francophones est généralement mauvaise, bourrée de préjugés archaïques et médisante. Pourquoi? Les journaleux amateurs de sports de Montréal préfèrent rêver de couvrir un match à Kansas City ou Phoenix plutôt qu’à Regina ou Edmonton. C’est complètement idiot parce que les villes canadiennes n’ont rien à envier aux villes américaines.