LES ALOUETTES
Retrouver le chemin de la victoire
Miguel Bujold
La Presse
Mark Weightman est un membre des Alouettes depuis plus de 20 ans. Il connaît l’organisation aussi bien que n’importe qui, sauf peut-être Jim Popp. Et le président des Als l’admet, il n’y a probablement jamais eu un aussi grand sentiment d’urgence dans le club depuis son retour à Montréal en 1996.
« Chaque fois qu’on connaît une saison décevante, ça ajoute de la pression. Alors c’est clair que lorsqu’on connaît deux ou trois saisons décevantes d’affilée, ça ajoute au sentiment d’impatience », dit-il.
Assis dans un restaurant du centre-ville, Weightman semble plus préoccupé que d’habitude. Il expliquera au journaliste de La Presse que c’est parce qu’il s’est laissé convaincre de devenir l’entraîneur de l’équipe de soccer de sa fille, ce qui n’était pas prévu et accaparera beaucoup de son temps, déjà rare. Les insuccès des Oiseaux y sont sûrement pour quelque chose, aussi.
« On ne ressent pas seulement de l’impatience, il y a également une certaine frustration. Je ne veux pas avoir l’air arrogant, mais on croit fermement que notre équipe est beaucoup plus talentueuse que ce que notre fiche de l’année dernière peut laisser croire. »
Une fiche de 6-12, la pire de la deuxième vie montréalaise des Moineaux. Il n’y a pas que les Alouettes qui soient impatients, leurs fans commencent à taper du pied, eux qui ont été habitués à voir leur équipe au match de la Coupe Grey deux années sur trois…
« Je me fais un devoir de téléphoner directement aux gens qui manifestent de l’insatisfaction autant que je le peux. Et cette année, j’ai téléphoné à plusieurs partisans qui se questionnaient au sujet de certaines de nos décisions. »
— Mark Weightman, président des Alouettes
Vous l’aurez deviné, l’une de ces décisions a été celle de garder Jim Popp comme entraîneur-chef.
« Ça faisait effectivement partie des préoccupations de certains partisans. Ils se sont demandé pourquoi on ne procédait pas à des changements majeurs après avoir connu notre pire saison en 20 ans. Et en surface, c’est vrai que ça avait peu de sens. Mais je leur ai expliqué que c’était la première fois en quatre ans qu’on faisait quelque chose de différent en gardant une stabilité. »
« Il fallait arrêter le “carrousel? de changer d’entraîneurs et de coordonnateurs offensifs. Non seulement ça complique les choses sur le plan stratégique, mais ça a un effet dissuasif sur l’embauche d’entraîneurs adjoints et de joueurs. Duron Carter serait-il revenu avec nous si on avait eu un nouveau groupe d’entraîneurs ? Peut-être pas. C’est clair que c’est réconfortant pour lui de savoir qu’il y a un plan en place avec Jim et Anthony [Calvillo] », a fait valoir Weightman.
L’ÈRE HIGGINS
Popp voulait rester l’entraîneur-chef de l’équipe il y a deux ans. Il avait fait un travail correct après le désastreux passage de quatre matchs de Dan Hawkins. Le DG jugeait que l’équipe avait besoin de stabilité…
Le propriétaire Robert Wetenhall, Weightman et les autres décideurs de l’organisation n’étaient pas du même avis. Après des mois d’incertitude, ils ont plutôt décidé de donner le poste à Tom Higgins.
Lorsque le nom de Higgins lui avait été mentionné quelques semaines avant son embauche, Popp s’était montré peu enthousiaste. Quand l’organisation lui a appris que Higgins serait le nouveau pilote environ une demi-heure avant de l’annoncer aux médias, vous comprendrez que le DG l’a avalé de travers.
Furieux, Popp est venu bien près de ne pas participer à la téléconférence organisée par l’équipe après l’embauche de Higgins. Il s’est ravisé et a placé les intérêts du club avant les siens.
« Il a pris quelques jours pour avaler la pilule, puis il a été professionnel sur toute la ligne. Je l’aurais compris de nous dire qu’on avait pris la mauvaise décision lorsque l’équipe connaissait des difficultés, mais il ne l’a jamais fait et c’est tout à son honneur », a dit Weightman.
« Jim a-t-il mis en doute certaines décisions de Tom ? Absolument. Mais il l’a toujours fait, même dans le temps de [Marc] Trestman. C’est une partie de son travail à titre de DG. Et la plupart des entraîneurs l’encourageaient à le faire. Trestman a même déjà dit que ça l’avait aidé à devenir un meilleur coach. Mais Jim a travaillé de concert avec Tom du mieux qu’il le pouvait. »
RETOUR À LA CASE DÉPART ?
On pourrait facilement dire que les Alouettes sont au même point qu’après la saison 2013, avec Popp sur les lignes de côté. Qu’ils ont essentiellement perdu deux années.
« C’est vrai que la situation est similaire à ce qu’elle était il y a deux ans, mais je ne crois pas qu’on soit revenus à la case départ. À cette époque, on ne croyait pas que c’était la solution optimale que Jim soit l’entraîneur-chef. Cette fois, ça faisait trois ans qu’il y avait des changements. On a jugé qu’il était beaucoup plus important de garder une stabilité », s’est défendu Weightman, qui estime que Popp ne reçoit pas le mérite qui lui revient comme entraîneur.
« Il connaît mieux la ligue que n’importe qui. Sa compréhension des situations de match est excellente et sous-estimée du public, selon moi. »
OPTIMISTE POUR 2016
Weightman ne cache pas que la vente d’abonnements de saison est plus ardue depuis quelques années. Mais il faut croire que le président accomplit du bon boulot, car les assistances au stade Percival-Molson ont augmenté en 2015.
« Lorsque les partisans sont impatients, ça ne change pas nécessairement leur décision de renouveler leur abonnement de saison, mais ils le font souvent plus tard », a-t-il précisé.
Le jeune président des Alouettes entrevoit la nouvelle saison avec optimisme, en grande partie grâce à la stabilité qu’apporteront Popp et Calvillo, mais aussi en raison d’un joueur en particulier.
« On pourra compter sur un quart-arrière d’expérience en Kevin Glenn, qui a déjà prouvé qu’il pouvait réussir de belles choses dans cette ligue. Si Anthony Calvillo n’avait pas remporté quelques championnats dans les années Trestman, parlerait-on du même legs ? Je pense que Glenn pourrait mettre les dernières touches à une belle carrière avec nous. »
Et si l’équipe continue de régresser et qu’elle ne recommence pas à gagner ? Peut-on présumer qu’il y aura des changements majeurs au sein de l’organisation ? Weightman n’est pas dupe. On n’a pas à lui poser la question, il sait que c’est une réelle possibilité. Il sait fort bien que la pression sera forte cet été.
« Mais je suis convaincu qu’on va connaître une très bonne saison », a-t-il affirmé avec assurance.